mardi 23 décembre 2008

Chili 2008

(Photo: Seb)

Voici maintenant une semaine que je suis arrivé au Chili. Ce lundi j’ai assisté à une manifestation à Santiago en solidarité avec le peuple Mapuche et en particulier avec la communauté autonome de Temucuicui.

Un jeune militant solidaire avec la cause mapuche a en effet été assassiné dimanche dernier dans cette communauté. Les conditions de sa mort sont encore floues.

La manifestation de ce lundi était convoquée par des collectifs anarchistes et une centaine de personnes avaient répondu à l’appel. A cette époque Santiago est, comme toutes les grandes villes du monde, plongée dans une fièvre effrénée à la consommation. Et l’idée était justement d’interpeller les passants du centre de la capitale.

Depuis mon arrivée, j’ai remarqué que Santiago (mais aussi Valparaiso ou j’ai passé deux jours) se caractérise par une forte présence policière, en permanence. Sans exagérer, dans le centre-ville on trouve une patrouille de Carabineros environ tous les deux pâtés de maisons.

Mais ceux-ci étaient évidemment plus nombreux lors de cette mobilisation et, prenant comme excuse le bris d’une vitrine de banque, ils n'ont pas tardé à charger contre les manifestants.

Résultat de la soirée: cinq personnes détenues dont deux mineures. Parmi ces personnes figurait une jeune femme de nationalité péruvienne. Selon Indymedia Santiago, une procédure d’expulsion du territoire aurait été enclenchée après sa détention pour avoir participé à la manifestation.

Le reste en images:


"Liberté pour les prisonniers politiques mapuches" (Photo: Seb)


(Photo: Seb)


Intervention musclée des Carabineros (Photo: Seb)


(Photo: Seb)

Voyez également la vidéo des événements sur Indymedia Santiago.

Au sud du Sud

La voix du sud fait ses bagages. Un peu de vacances, un peu de travail; bref, joindre l'utile à l'agréable. A partir de la semaine prochaine nous vous emmènerons au sud du continent sud-américain, plus précisément au Chili et en Bolivie.

Santiago, Valparaiso, Antofagasta, nous remonterons le pays d'Allende et de Neruda jusqu'au désert d'Atacama. De là, nous passerons en Bolivie par la route. Cochabamba, La Paz et peut-être ailleurs, pour culminer le 25 janvier avec le référendum sur la nouvelle Constitution rédigée par l'Assamblée constituante bolivienne.

La voix du sud vous fera partager ce voyage grâce à ses photos, interviews et articles qui seront mis en ligne régulièrement. N'hésitez pas à nous écrire pour nous recommander des adresses ou des personnes intéressantes à rencontrer. (Photo: Seb)

samedi 13 décembre 2008

Le Venezuela soigne sa dépendance à l’or noir

Depuis l'éclatement de la crise économique et financière, le gouvernement vénézuélien se veut rassurant sur un point: le pays est assez solide économiquement pour résister aux remous de la récession mondiale. Cependant celle-ci, accompagnée de la baisse des prix du pétrole, remet sur le tapis un des principaux objectifs de Caracas, s'affranchir de sa dépendance à l'or noir et développer le secteur productif.

Le 29 octobre dernier, le premier satellite vénézuélien était mis sur orbite depuis la province chinoise du Sichuan. Le satellite Simon Bolivar, ou Venesat-1, est l'aboutissement d'une coopération de près de trois ans avec la Chine, "le seul pays qui ait garanti le transfert de connaissances à des vénézuéliens", précise le Ministère de la Science et la Technologie.

Car au delà des apports pratiques du satellite lui-même (en matière de télécommunications, d'éducation dans les zones les plus reculées du pays, etc.), c'est surtout le transfert de technologies qui intéresse Caracas, afin d'œuvrer au "développement intégral du pays". "L'idée est de fabriquer un second satellite ici au Venezuela", avance déjà la ministre en charge du projet, Nuris Orihuela.


Et la collaboration avec le géant chinois ne s'arrête pas là. En mai dernier, les deux pays ont annoncé la création d'un fond commun de 6 milliards de dollars, qui devrait prochainement doubler sa capacité à 12 milliards. Cet apport permettra de développer des projets dans les secteurs du logement, des infrastructures et transports, des industries de base, de l'énergie, de la santé, de l'éducation, ou encore de l'agriculture.

Cette dernière est prioritaire avec 35% du fond assignés. Il faut dire que la souveraineté alimentaire est l'un des principaux champs de bataille de la révolution bolivarienne. Même si le gouvernement affirme avoir augmenté de près de 25% la production agricole depuis 1998, les autorités reconnaissent que les effets sur l'approvisionnement des produits de base ne se feront pleinement sentir qu'au cours des quatre prochaines années.

Du cacao au pétrole

"Tout au long de son histoire le Venezuela a été un pays monoproducteur. Depuis l'époque où nous exportions du cacao, ensuite le café vers la moitié du XVIII ème siècle, et finalement l'exportation pétrolière depuis le début du XX ème", explique Alfonso Alvarez, membre de l'Association bolivarienne d'Economie socialiste.

Cette monoproduction se répète donc de façon cyclique dans l'histoire du pays, même si avant l'apogée de l'or noir l'agriculture avait acquis un certain niveau de développement "qui a été balayé par la production pétrolière" au siècle dernier.

Mais du côté de l'opposition on tire à boulets rouges sur la politique économique et productive du gouvernement. "Nous assistons à l'affaiblissement systématique et progressif de l'appareil productif privé", assénait encore récemment Miguel Henrique Otero, directeur éditorial du journal d'opposition El Nacional.

Pourtant la politique gouvernementale, si elle met effectivement l'accent sur le secteur public et les entreprises dites "de production sociale" coopératives ou cogestion coopératives-entreprises publiques), n'en délaisse pas pour autant le secteur privé. Le fond commun avec la Chine, par exemple, n'exclut pas les entreprises privées ou mixtes et apportera même l'équivalent de 500 millions de dollars afin d'inciter leur participation dans des projets d'envergure. D'autre part, beaucoup reprochent au secteur privé de n'avoir jamais vraiment développé, par le passé, cet appareil productif qu'il réclame aujourd'hui.


"L'économie rentière s'est aggravée avec la copie du modèle consumériste nord américain et cela mène à ce que personne ne prenne de prévisions pour demain; cela mène à penser que la prospérité des ressources pétrolières atteindra des sommets et ce n'est pas le cas, les aléas de l'économie peuvent nous toucher aussi, cette possibilité existe", résume le ministre de l'Economie et des Finances, Ali Rodriguez Araque.



Article publié dans Le Courrier du 22 novembre 2008

mardi 9 décembre 2008

"S'ils continuent comme ça..."

"Combattre, révoquer, avancer". (Photo: Seb)

"S'ils continuent comme ça, nous prendrons les armes!" (1), scandaient quelques centaines de jeunes jeudi dernier dans le centre de Caracas (2). Ils faisaient référence aux menaces, expulsions et agressions dont ont été victimes ces derniers jours les médecins cubains, mais aussi les étudiants vénézuéliens des différentes missions sociales dans les états et municipalités gagnées par la droite lors du scrutin régional du 23 novembre. (3)


En réaction à ces agressions répétées, quelques collectifs militants, médias communautaires, conseils communaux, etc., avaient convoqué une manifestation qui s'est terminée par la "décoration" (voir la photo ci-dessous) du siège de la Mairie du grand Caracas (remportée par le candidat de l'opposition, Antonio Ledezma), en guise d'avertissement.

"Ledezma dehors. Il n'y a pas de peuple vaincu".
Les graffeurs s'en sont donné à coeur joie.
(Ph: Seb)

Mais la droite, elle, ne s'est pas limitée aux avertissements. Le 27 novembre dernier, trois syndicalistes de l'UNT (Union nationale des Travailleurs) ont été assassinés dans l'état d'Aragua, l'une des régions ouvrières les plus combatives du pays. Par ailleurs, un dirigeant paysan a également été assassiné dans l'état de Portuguesa début décembre. (4)

Ces crimes sont l'oeuvre de "sicarios" (tueurs à gages) et restent malheureusement monnaie courante au Venezuela où 216 dirigeants paysans ont perdu la vie ces dix dernières années (5). D'autre part le 28 novembre, Stalin Pérez Borges, coordinateur national de l'UNT, déclarait au nom du collectif Marea Socialista que pour retrouver les auteurs de ces crimes "nous ne pouvons compter sur la justice ordinaire, car c'est la même qui condamne les travailleurs".

Le syndicaliste réclamait la création d'une commission spéciale "à laquelle participent les centrales ouvrières et dont les résultats aient force de loi" et demandait à l'Assemblée nationale (Parlement) d'habiliter rapidement cette commission.

Selon Pérez Borges, les travailleurs "ne peuvent tolérer qu'il ne leur reste que le chemin de l'enquête postérieure à cet abject assassinat. C'est pourquoi nous appelons immédiatement à l'organisation des autodéfenses ouvrières et populaires. Le gouvernement doit fournir les ressources nécessaires pour l'entraînement et la défense armée des travailleurs et de leurs dirigeants".

"Ce ne sera pas la police corrompue, et dans de nombreux cas directement coupable d'assassinats, qui va prévenir ces crimes. Ce seront nous, les travailleurs. C'est pourquoi nous proposons: enquête, punition et organisation de nos propres autodéfenses contre le fascisme", concluait-il lors de déclarations à la presse.

Quelques photos supplémentaires de la manifestation du jeudi 4 décembre, juste pour le plaisir:


Des collectifs étaient venus de différents quartiers de la ville. (Ph: Seb)

"Mc Merde, dehors!".
Un "fast-food impérialiste" se trouvait sur le chemin de la manifestation... pas de chance. (Ph: Seb)

Malgré l'importance des revendications, la musique n'a pas fait défaut lors de la mobilisation. (Ph: Seb)

Notes:

(1) "Si siguen con la vaina, tomaremos las armas!".
(2) Voir le post ci-dessous.
(3) Voir aussi sur ce blog Elections régionales au Venezuela: la bataille reste à venir.
(4) Lire Fernando Esteban, Situation tendue au Venezuela après les élections, in Rouge.
(5) Ibid.

mercredi 3 décembre 2008

Ofensiva popular


Ce jeudi 4 décembre, les mouvements sociaux appellent à manifester à Caracas afin de défendre les acquis de la révolution face aux nouvelles autorités de droite.


Les consignes :

"Il n'y a pas de peuple vaincu"

"Combattre et avancer"

"Offensive populaire"

lundi 1 décembre 2008

Elections régionales au Venezuela: la bataille reste à venir

(Photo: Seb)

A une semaine des élections régionales et municipales au Venezuela, le nouveau rapport de forces est déjà clairement dessiné. Le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) a remporté 17 états sur 22 et 80% des municipalités (1). Mais le score de l'opposition, limité dans les chiffres, n'en est pas moins d'une importance stratégique capitale. Et les effets se font déjà sentir sur le terrain.


Lors du scrutin du 23 novembre, la droite a fait main basse sur d'importantes régions du pays: les états de Táchira et Zulia, frontaliers avec la Colombie; l'état industriel de Carabobo; la mairie du grand Caracas et l'état de Miranda qui ceinture la capitale.

Elle a aussi remporté l'état insulaire de Nueva Esparta, dont la principale île est celle de Margarita, zone principalement touristique mais aussi l'une des frontières maritimes du Venezuela. Nueva Esparta et Zulia (2) étaient déjà aux mains de l'opposition, mais la capitale de ce dernier, Maracaibo, a été perdue par le chavisme.

La perte du Táchira amplifie la porosité d'une frontière déjà difficile à contrôler et ouvre la porte à l'entrée massive de paramilitaires colombiens. Cela peut accentuer également la fuite d'aliments à prix régulés vers la Colombie pour y être vendus à des prix plus élevés; comme c'est déjà fréquemment le cas, avec l'objectif politique de provoquer des pénuries d'approvisionnement.

En ce qui concerne le PSUV, il conserve l'état industriel de Bolivar (malgré un candidat à la réélection clairement ancré à la droite du chavisme), ainsi que l'état frontalier d'Apure, entre autres. Il récupère également les états de Sucre, l'état industriel et combatif d'Aragua, ainsi que l'état agricole de Guarico et celui de Yaracuy (3), dont les gouverneurs s'étaient déclarés "dissidents du chavisme" et avaient lancé leurs propres candidatures, certaines appuyées par l'opposition.

Le total des voix recueillies par les candidats ayant quitté le chavisme atteint à peine les 451 131 votes. Alors que le camp bolivarien totalise 5 073 774 voix contre 3 948 912 pour l'opposition (53,45% contre 41,65%). La participation atteint des sommets historiques pour des élections régionales (qui en général mobilisent moins les électeurs) avec un taux de 65%.

En comparaison avec le référendum sur la réforme constitutionnelle de l'année dernière, le chavisme augmente son score de 694 342 voix, alors que l'opposition en perd 555 442. Cependant, bien qu'il augmente ainsi son score de 20% et que l'opposition perd 10% de votes, le camp chaviste n'est pas parvenu a récupérer la totalité des trois millions de voix perdues depuis 2006.

Contradictions mises à nu

Environ 45% de la population vénézuélienne vit désormais dans un état aux mains de l'opposition, ce qui va considérablement augmenter les ressources financières de cette dernière. Dans la pratique, ces résultats ont déjà deux conséquences importantes. Tout d'abord, ils mettent à nu la nature même de l'opposition qui, derrière son discours de tolérance et d'ouverture (rappelez-vous les mains blanches de ses étudiants), n'en reste pas moins ce qu'elle a toujours été: l'expression d'une idéologie réactionnaire ancrée dans la droite dure.

Les exemples n'ont pas manqué cette semaine. A peine entrés en fonctions, certains élus de l'opposition ont déjà pris des mesures administratives contre les différentes missions sociales. En effet, plusieurs missions d'éducation ou de santé installées dans des bâtiments appartenant aux états ou municipalités tombées aux mains de la droite ont reçu l'ordre de quitter les lieux.

Par ailleurs, des militants des partis réactionnaires ont menacé et agressé des médecins cubains ainsi que des étudiants des missions d'éducation dans plusieurs états. Le président Chávez a réagi ce vendredi en déclarant que "le scénario de 2002 est à nouveau activé. Ils veulent une confrontation. Nous ne leur laisserons pas de trêve, nous défendrons la révolution bolivarienne contre ces fascistes!".

Lors du coup d'Etat du 11 avril 2002, le maire du grand Caracas (élu sur les listes chavistes et qui avait ensuite changé de camp) avait utilisé la Police métropolitaine pour réprimer les manifestations populaires qui réclamaient le retour au pouvoir du président Chávez.

Quelques mois avant les élections de dimanche dernier, la prudence a amené le gouvernement à transférer la Police métropolitaine (qui est la police du grand Caracas) sous les ordres du ministère de l'Intérieur, afin d'éviter justement une répétition du scénario d'avril 2002.

Pouvoir populaire?

Mais cette situation de confrontation met aussi à nu les contradictions au sein même du camp révolutionnaire. La défaite à Caracas et dans les autres régions oblige le chavisme à retourner dans la rue, et surtout elle remet sur la table l'éternelle question du pouvoir. Qui le détient, les fonctionnaires ou le peuple?

Fini le socialisme de salons et de conférences. Où en est réellement le pouvoir populaire? Est-il capable d'enrayer la progression de la droite sur le terrain? On a vu, lors du coup d'Etat d'avril 2002, que ce fut la mobilisation des quartiers populaires qui permit de sauver la situation.

Le chavisme est-il prêt à soutenir les actions organisées de la base dans les états perdus? Ou va-t-il tenter de les canaliser en les dirigeants par en haut pour négocier un statu quo avec l'opposition? Ou, pire, va-t-il les laisser s'essouffler comme il l'a fait lors de certaines occupations d'usines et autres initiatives? Difficile à dire, même si le discours officiel parle "d'approfondir la révolution".

En décembre 2007, lors du référendum sur la réforme constitutionnelle, les électeurs avaient adressé un message sans équivoque au gouvernement. En s'abstenant massivement, les secteurs populaires ne s'étaient pas prononcés, comme ont voulu nous le faire croire les médias, "contre le socialisme du XXI ème siècle" mais bien, dans leur grande majorité, contre l'inefficacité et la mauvaise gestion de ceux qui s'en réclament en paroles mais non dans les actes.

On peut aujourd'hui affirmer que le message n'a pas été compris. Un an plus tard, les mesures prises n'ont pas été suffisantes pour renverser la tendance dans les principaux centres urbains (Caracas, Miranda, Maracaibo). L'insécurité, la mauvaise gestion des déchets et des espaces urbains, entre autres, ont coûté cher au proceso, surtout à Caracas.

Il ne faudrait pas se tromper deux fois en analysant les résultats du 23 novembre. Le soir même du scrutin, le président Chávez parlait d'une victoire et affirmait: "Le peuple me dit: Chávez, continue sur le même chemin". Le chemin du socialisme est certes celui que la majorité des Vénézuéliens pointe du doigt. Mais le chemin est semé d'embûches. Le point positif qu'on peut tirer de cette nouvelle distribution des cartes, c'est qu'elle va raviver les luttes et ramener les mobilisations à l'ordre du jour.

Notes:

(1) Le Venezuela compte 23 états, plus le district de la capitale. Mais les élections n'ont pas eu lieu dans l'état d'Amazonas, qui a un calendrier électoral décalé par rapport au reste du pays.

(2) Le Zulia est l'état le plus peuplé et le plus riche du pays, de par ses ressources pétrolières.

(3) Voir notre article préélectoral "Test grandeur nature pour le processus bolivarien".



Article publié sur le site de La Gauche le 27 novembre 2008


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